L’Iran des grands espaces, entre déserts et montagne sacrée

Notre rédaction vous emmène, sur plusieurs étapes, pour un long voyage entre cités historiques, montagnes et déserts de Perse.

Voyage inédit dans une contrée qui n’a de cesse d’intriguer, d’a?rer ou d’inquiéter… Mais qui ne laisse pas de fasciner. En Iran tout reste à découvrir du trek et de la randonnée, que ce soit sur son volcan sacré, le Damâvand, ou bien dans ses déserts à l’aridité absolue et insondable.

Vers le Lac de Marandjâb

Obscurité opaque à la sortie de l’aéroport international Imâm Khomeyni. L’autoroute qui mène à la banlieue ouest de Téhéran se déroule sans fin sous le halo disparate des lampadaires. Une longue route comme tant d’autres qui nous attendent. Mostafa Selahi, mon guide, reviendra me chercher demain de bonne heure à l’hôtel pour que nous fassions route vers le sud. La touffeur de la journée à peine atténuée par la fraîcheur du soir donne le ton d’un été suffoquant placé sous le signe de la quête d’un espace-temps extrême.

Le lendemain matin. Il est 7 heuresmaismon guidem’attend depuis une heure déjà à la porte de l’hôtel. En Iran on se lève ou on se couche souvent entre chien et loup. Pour prier, méditer,ou prendre un thé dans le silence et la paix du matin quand le muezzin récite ses premières prières. Je m’installe à l’avant de la Patrol tout terrain couleur sable. Une voiture qui a vécu. Tout comme son conducteur. Mostafa a dû éprouver sur sa peau toutes les brûlures du soleil et les morsures du froid sur les sentiers de la Perse éternelle.

Cap au sud donc en direction de Qom, la ville sainte, Vatican s’il en est de l’islam chiite. Au passage l’on voit de dresser de loin les coupoles du sanctuaire de Fatima (Hazrat-e Ma’soumeh) interdit aux non musulmans. Nous roulons sur l’épine dorsale autoroutière qui traverse l’Iran du nord au sud, où souffle dès les abords de la capitale le vent brûlant du désert. Pause rapide dans ce haut-lieu du pèlerinage chiite où l’on se fraie un chemin dans le flot de silhouettes enturbannées ou bien dissimulées sous le tchador.

Notre prochaine étape sera le Lac de sel. Prétexte à une première mise en jambe avant d’atteindre l’immense désert salé qu’est le Dasht-e Kévir. Nous laissons derrière nous la route pour nous engager plein est sur une piste quasiment à la perpendiculaire de Qom.

Le matériel photo est calé sur le banc arrière et enveloppé dans une double couche de plastique. Cahots et poussière seront dès aujourd’hui notre pain quotidien. Direction Marandjâb, un caravansérail en bordure sud du lac desséché où nous passerons la nuit. Des processions de tamarix s’alignent, de plus en plus denses, des deux côtés de la piste. Cet arbuste est la parade ultime à la progression du sable. Nous longeons le lac qui se trouve à présent sur notre gauche. Une vaste étendue poudreuse dont les rives se changent enmarécages par temps pluvieux. Le vrombissement du moteur déclenche des envols massifs de sauterelles grosses comme des moineaux. Il s’en abat régulièrement par escadrilles sur le pare brise avec un gros bruit sec. Mostafa ralentit pour pointer un troupeau de dromadaires dispersé des deux côtés de la piste. Je me glisse doucement à terre pour mes première prises de vue de la journée. Un groupe isolé apparaît qui semble être celui du chef de clan. Un mâle majestueux flanqué de sa femelle et de deux chamelons dont l’un blanc comme neige !

Vers la mine de sel

Je m’attarde longtemps sur ce prodige albinos remarqué au milieu des masses sombres qui viennent une par une saluer la famille régnante avec une caresse du museau à l’attention du petit prince blanc. Plus à l’est encore, au-delà des provinces orientales du Khorâsân ou du Sistân et du Baloutchistân c’est le territoire de leurs cousins les chameaux de Bactriane. Retour au véhicule et aux cahots de la route pour arriver à Marandjâb avant la tombée de la nuit. Sur place, pas âme qui vive à part trois oies peu farouches au bord d’un bassin, gardiennes de ce Capitole qu’est le vieux caravansérail que l’on trouve porte close. On dresse les tentes igloos à côté de la vasque où barbotent les oies puis Mostafa s’affaire à la préparation du dîner. Sa spécialité – l’ordinaire du trekkeur iranien – consiste en une ratatouille de pommes de terre, aubergines, tomates, oignons et courgettes que l’on sert au besoins avec du yaourt aigre. Sitôt dîné sitôt couchés. La nuit tombe vite dans le désert et les moustiques ne tardent pas à rappliquer.
Mais la quiétude des lieux ne sera que provisoire. Je me vois arrachée de mes premières minutes de somnolence par les motos pétaradantes des ouvriers du caravansérail qui arrivent du village voisin. Ils se hèlent à voix haute pardessus nos tentes, sans égard pour notre sommeil. Plus tard, en pleine nuit, ce sont les dromadaires croisés sur la route qui viennent boire au bassin. Ils beuglent, grognent et blatèrent à n’en pas finir, à deux pas de notre bivouac.
Une nuit de cauchemar à se retourner et à transpirer sous la chape de plomb de la tente. Dans le désert, la nuit, oubliez toute in=mité ! Des créatures surgies de toute part seront là pour vous le rappeler.
Réveil douloureux dans les courbatures. Mostafa, cigarette au bec, a déjà préparé et servi le thé brûlant. Il ne semble nullement affecté par le vacarme de la veille et, placide, commence à charger la Nissan Patrol. Le Lac Salé (« Daryâtche-ye Namak ») nous attend.
Au-dessus de nos têtes de grands tamarix, dits « tamarix royaux », tendent leurs branches vers le ciel. Jeme rappelle alors le récit épique persan du Châh Nâmeh où il est rapporté que Rostam, le héros national, aurait pu venir à bout d’un guerrier invincible nommé Esfandiyâr grâce à une flèche taillée dans le bois du tamarix, arbre sacré de la mythologie iranienne.
Notre voiture s’engage sur la banquise brûlante. A perte de vue ce sont des alvéoles en nid d’abeilles qui se déroulent sous les pneus du 4×4. On croise des camions qui reviennent, lourdement chargés, de la mine de sel. Le lac pétrifié est un cercle où court de part en part une piste faisant office de cordon ombilical avec les vivants. Nous comptons 22 km jusqu’au dépôt de sel puis 10 autres km pour atteindre la mine.
(à suivre)
Notre voyage a été organisé en Iran par l’agence Cyrus Sahra qui travaille avec plusieurs tour opérateurs français.
Cyrus Sahra est spécialisée notamment dans la randonnée et le trekking.

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